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Sur 100 médecins pratiquants actuellement au Bénin, 63 interviennent dans le secteur privé dont plus de 80% concentrés dans les deux départements du sud du pays, notamment l'Atlantique et le Littoral, ce qui fait remarquer une pénurie de médecins dans les formations sanitaires publiques, a déploré mercredi à Cotonou le sociologue Patrick Dossou.

LES VRAIES RAISONS D'IMMIGRATION DES MEDECINS DU SECTEUR PUBLIC VERS LE PRIVE

"Cette fuite des médecins du secteur public vers le privé pourrait s'expliquer par la baisse de rémunérations salariales observée dans le secteur public", a-t-il regretté.

Abordant dans le même ordre d'idée, le docteur Lydie-Rolande Déssevi, médecin chef dans une clinique privée à Cotonou, a estimé que le vrai problème de la fuite des médecins du secteur public vers le privé se trouve dans les rémunérations salariales

"Dans la clinique privée où j'exerce depuis bientôt trois ans, je touche parfois à la fin de chaque mois, deux à trois fois de ce que mes collègues du secteur public gagnent pendant la même période", a-t-elle déclarée, précisant que les salaires des médecins dans la fonction publique béninoise sont dérisoires par rapport à ce que le secteur privé les propose.

Au Bénin, a-t-elle poursuivi, avant qu'un médecin du secteur public touche un salaire considérable, il faille qu'il soit à un poste de responsabilité ou proche de la retraite.

Pour le Dr Déssevi, cette situation de bas salaire dans le secteur public n'encourage pas les médecins béninois à aller exercer dans ce milieu.

"Pour résoudre ce fléau d'immigration des médecins du secteur public vers le privé, les autorités gouvernementales du pays peuvent encourager les médecins du secteur public en leur payant un salaire considérable", a-t-elle souhaité.

Dans ces conditions, la plupart des professionnels de santé font naturellement, selon le sociologue Patrick Dossou, tout ce qu'ils peuvent pour améliorer leur vie.

"Les médecins qui ne quittent pas le secteur public pour le privé compensent parfois leur fin du mois par des stratégies d'adaptation. Ces médecins appliquent tout simplement des méthodes prédatrices, comme d'exiger de l'argent sous le manteau, de presser les patients à aller consulter dans des cabinets privés ou de vendre des médicaments normalement gratuits", a-t-il souligné.

D'autres, plus acceptables, consistent plus simplement à arrondir les fins de mois en travaillant à la fois dans le secteur public et privé, a-t-il poursuivit.

"A ce niveau, les cliniciens ont plus de possibilités que les gestionnaires, mais ces derniers sont mieux placés pour détourner les fonds", a-t-il indiqué, précisant que les compléments de revenus aident à garder des compétences précieuses dans le service public, mais ils dressent des obstacles financiers à l'accès aux soins médicaux, rendent le personnel moins disponible et fragilise la confiance du consommateur.

MANQUE CONSIDERABLE DE PROFESSIONNELS DE SANTE DANS LE SECTEUR PUBLIC

Déjà handicapé par le gel de recrutement des agents permanent de l'Etat dans la fonction publique béninoise, le secteur public de la santé souffre d'un manque considérable de professionnels de santé.

"Dans le souci de répondre à la nécessité de réorganiser la vie économique et sociale nationale suite à des difficultés financières et économiques, le Bénin a connu trois programme d'ajustement structurel qui ont couvert les périodes de 1989 à 1991, pour la première phase, de 1992 à 1995 pour la seconde et enfin 1996 à 1999", a-t-on indiqué, précisant que tous ces programmes avaient induit le gel de recrutement dans la fonction publique béninoise.

Ainsi, selon l'annuaire des statistiques sanitaires de 2011, le nombre de médecins pour 10 000 habitants au Bénin se situe à 1, 2, alors que le nombre d'infirmiers pour 5 000 habitants est de 2 et le nombre de sages-femmes pour 5 000 habitants n'est seulement que 0,7.

"Malgré cette pénurie de professionnels de santé, le secteur public a enregistré en 2011, plus de 3 413 241 patients en consultation et en hospitalisation pour trois principales pathologies, notamment 41,7 % pour le paludisme, 12,7 % pour les infections respiratoires aigües et 6,3 % pour les affections gastro-intestinales", révèlent les données sanitaires.