Si, pour certains États africains, l intérêt économique des lignes ferroviaires est important, les acteurs privés, comme le groupe Bolloré, qui gère en concession Sitarail et Camrail, doivent relever de nombreux enjeux. Le poids des investissements, les difficultés techniques et les versements dus au concédant alourdissent l endettement des compagnies.

 

 

Si, pour certains États africains, l intérêt économique des lignes ferroviaires est important, les acteurs privés, comme le groupe Bolloré, qui gère en concession Sitarail et Camrail, doivent relever de nombreux enjeux. Le poids des investissements, les difficultés techniques et les versements dus au concédant alourdissent l endettement des compagnies. Un meilleur équilibre du partenariat, ainsi qu un rythme soutenu d investissements, permettront d exploiter le réel potentiel de développement du rail en Afrique.

Dès le milieu des années 1990, Bolloré Africa Logistics s est engagé dans des partenariats public-privé dans le secteur ferroviaire : en 1995 en Côte d Ivoire et au Burkina Faso, à travers la concession Sitrail, puis en 1999 au Cameroun avec Camrail. Bolloré Africa Logistics a ainsi repris et réorganisé la gestion de ces réseaux ferrés, alors en déclin. Ces régies nationales souffraient d un manque de renouvellement de leurs infrastructures, faute de moyens financiers su…sants, et perdaient du traffic au profit de la route.

 

Secteur privé et développement

proparco revue

Cliquez sur le lien pour consulter l'intégralité du 9ème numéro de la revue Secteur privé et développement de Proparco, intitulé "Quel rôle du secteur privé dans le développement du rail africain ?"

Opérateur économique et investisseur de long terme dans les transports et la logistique en Afrique, le groupe Bolloré a convaincu banques et bailleurs de fonds internationaux de le suivre dans le démarrage de ces deux concessions. Ces contrats de partenariat, qui s étendent jusqu à 2030 pour Sitarail et 2034 pour Camrail, devraient permettre à ces réseaux ferrés de retrouver un bon niveau de développement.

Les avantages constatés et les bénéfices attendus

Avec un chemin de fer performant, les bénéfices économiques sont multiples. Ce mode de transport a un impact positif sur le niveau des activités portuaires, renforçant le rôle des ports africains, véritables poumons économiques du continent et plaques tournantes pour les marchandises utilisant le rail.

Pour les régions enclavées, le rail est essentiel pour réduire la facture énergétique : le transport par chemin de fer nécessite quatre fois moins de diesel que la route. Il permet de maintenir des tarifs de transports internationaux compétitifs. Enfin, le chemin de fer réduit la pression sur la route  et diminue donc le coût de son entretien.

Son influence est globalement positive pour le développement économique des États concernés. Les activités comme l agriculture, la construction, les projets miniers (par exemple Essakane au Burkina Faso) ou pétroliers (Doba au Tchad) bénéficient directement de la présence d un opérateur ferroviaire compétitif.

Pour la Côte d Ivoire et le Burkina Faso, les bénéfices attendus d une relance du chemin de fer sont considérables  comparés aux conséquences d une disparition de la ligne. La Banque mondiale (Figure 1) estime que l impact économique cumulé de Sitarail, sur dix ans, représenterait environ deux fois les investissements nécessaires pour les infrastructures  tels que le concessionnaire les a estimés (Banque mondiale, 2009).

Bolloré Africa Logistics a complété cette évaluation, en la considérant sur un plus long terme, tenant compte d une hausse probable des tarifs routiers et envisageant les effets de la disparition d un secteur structurant, investissant dans la formation. Les bénéfices indirects pour le Burkina Faso, la Côte d Ivoire et le Cameroun sont alors estimés à 850 millions d euros. Ces estimations ne tiennent pas compte du manque à gagner lié au développement possible du secteur informel, ni du poids économique dus aux nombreux accidents routiers.

L'auteur : ÉDOUARD DE VERGERON
Diplômé de l École supérieure de commerce Marseille-Provence, Édouard de Vergeron a intégré Bolloré Africa Logistics en 1996. Après avoir occupé différentes fonctions financières en Afrique où il participe aux premières mises en concessions, il est devenu directeur adjoint Afrique de l Ouest, centrale et australe en 2009. Aujourd hui Édouard de Vergeron contribue au développement opérationnel et commercial de ces régions, ainsi qu'au suivi des concessions ferroviaires, portuaires et fluviales existantes.

Dans l immédiat, la faisabilité de certains projets miniers (nickel et manganèse au Burkina Faso, bauxite et fer, au Cameroun), le développement des exportations (huilerie, coton, bois, fruits en général) et l approvisionnement des grands centres urbains passent inévitablement par un chemin de fer économiquement et durablement performant. Ces développements passent par l augmentation du parc roulant (locomotives et wagons). Mais la capacité financière des compagnies limite encore leur croissance. Soucieux d améliorer la performance des réseaux ferrés, Bolloré Africa Logistics tente d aller au-delà des engagements pris, en matière de qualité de service, notamment, et apporte son soutien financier pour renverser la perception du rail par les usagers.

Les efforts déployés pour renouveler les voies permettront à moyen terme d envisager une croissance de la capacité de transport. Lorsque les infrastructures des réseaux actuels auront été consolidées, développées jusqu aux principaux sites de consommation ou aux nouveaux centres miniers, leur exploitation pourra être optimisée. Alors seulement, les marchés restant pourront être identifés et des interconnexions envisagées en Afrique centrale et en Afrique de l Ouest.

Les difficultés rencontrées par le concessionnaire

Les premières années d exploitation des deux concessions, Sitarail et Camrail, ont été marquées par l amélioration significative de leurs performances opérationnelles, comparées aux dernières années des régies nationales. Les clients ont constaté rapidement une amélioration du service ; l adhésion des cheminots au projet a montré aux États qu une opération de privatisation pouvait aussi se faire avec l accord du personnel.

Malgré des campagnes de presse hostiles - en particulier au Cameroun , la croissance régulière des traffcs, la fiabilité du service, les indices de productivité, les conditions de sécurité ont conforté les États dans leur choix économique. De fait, pour eux, les flux financiers se sont immédiatement inversés.

Avant la mise en concession, les États versaient de fortes subventions à leurs régies nationales, accumulant dettes fiscales et sociales. Après la mise en concession, Sitarail et Camrail leurs ont versé des redevances taxes et variables, des impôts, des taxes et des contributions sociales. Au point que ces versements ont largement contribué à aggraver l endettement des deux compagnies  malgré les bénéfices réalisés.

Il est vrai que les besoins d investissement allaient croissants. En effet, les travaux nécessaires pour faire face à la vétusté des infrastructures ont été sous-estimés par les experts. Ils ont donc absorbé un niveau d investissement et de maintenance très largement supérieur aux prévisions, ce qui a rendu impossible le développement du parc de matériel roulant. En outre, malgré les hausses régulières de la fréquentation et l amélioration de la ponctualité, certains facteurs ont considérablement contribué à développer un fort sentiment de dégradation du service : ralentissements sur la voie (pour raisons techniques et/ou des raisons de sécurité), absence de renouvellement des voitures réservées aux voyageurs, et manque de rajeunissement de certaines gares à la charge des États.

La concurrence parfois déloyale avec la route aggravait encore les déficits : pas de péage routier, des contraintes de tonnage à l essieu peu respectées, de faibles besoin d investissement, des activités de transport relevant majoritairement de l économie informelle, etc. Malgré ses gains de productivité, le rail perdait des parts de marché  alors qu il s agit d un moyen de transport plus propre, moins cher et contribuant au budget de l État à travers les impôts et les taxes (contrairement aux activités informelles de la plupart des transporteurs routiers). Bolloré Africa Logistics devait trouver, en accord avec les États, des solutions à ces problèmes : une nouvelle stratégie s imposait.

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