L'automne dernier, coup sur coup, ont été créés officiellement l'UMMISCO et le LIRIMA. Unité Mixte Internationale dirigée par le professeur Pierre Auger, l'Unité de Modélisation Mathématiques et Informatique de Systèmes Complexes (UMMISCO), dont la convention de création a été signée en octobre 2009, implique l'IRD (Institut de Recherche en Développement), l'Université Pierre et Marie Curie (UPMC Paris 6) et 5 universités étrangères, dont 4 africaines et 1 vietnamienne.

De son côté, le Laboratoire International de Recherche en Informatique et mathématiques Appliquées (LIRIMA), que dirige le professeur Tchuente, un informaticien camerounais de réputation internationale, créé en novembre dernier, regroupe autour de l'INRIA 6 universités africaines. Même démarche pour ces 2 nouvelles structures qui visent à accroître la mise en réseau des équipes de recherche du Nord et du Sud.

LIRIMA et UMMISCO : l'aboutissement d'un long travail

C'est dans un contexte d'une Afrique qui réfléchit à ce qu'elle pourrait être demain et souhaite pouvoir décider davantage de ce que sera son avenir, autrement dit d'une Afrique bien loin des seuls clichés catastrophistes qui circulent sur elle dans la presse, qu'est née l'idée de créer le LIRIMA et l'UMMISCO. "La présence de l'INRIA sur le continent africain ne date pas d'hier puisqu'elle remonte à 1986. Une convention avait alors été signée entre l'INRIA, l'Université de Yaoundé et l'Université des Nations Unies (UNU), pour la mise en place de la première formation doctorale en informatique", rappelle Maurice Tchuente. Et c'est à partir de ce noyau qu'a été créé un réseau informatique qui, depuis 1992, année de la première édition à Yaoundé, organise tous les deux ans un colloque regroupant l'ensemble des chercheurs en informatique de l'Afrique francophone. Ce réseau a conduit notamment à l'émergence d'un important projet portant sur les Mathématiques et l'Informatique, SARIMA, financé entre 2004 et 2008 par le ministère des Affaires Etrangères et Européennes. Or en 2009, à l'occasion de l'évaluation de ce projet, il est apparu qu'il était possible et souhaitable de fédérer toutes ces recherches menées dans le domaine des STIC (Sciences et Technologies de l'Information et de la Communication), et de créer un laboratoire avec l'INRIA. C'est ainsi qu'est né le LIRIMA qui se structure progressivement et vient de tenir la première réunion de son comité de pilotage.

De son côté, l'IRD, dont l'implantation en Afrique est beaucoup plus ancienne, a lancé l'UMMISCO dès janvier 2009, cette Unité Mixte Internationale étant le prolongement, sous une autre forme, de l'Unité de recherche GEODES de l'IRD créé en 2000. "En 2007, il est apparu que le réseau MAT (Modélisation et Applications Thématiques) mis en place depuis 2003 par l'IRD, autour de la modélisation mathématique et informatique appliquée aux systèmes environnementaux et sociaux - réseau qui fédérait des laboratoires africains et l'UR GEODES de l'IRD - pouvait et devait évoluer en une Unité Mixte Internationale", rappelle Maurice Tchuente. Placée sous la double tutelle de l'IRD et de l'Université Pierre et Marie Curie (UPMC Paris 6) l'UMMISCO a donc été bâtie autour de l'ancienne unité GEODES et de ses équipes partenaires en France, en Afrique et en Asie du Sud-Est. A vocation recherche tout comme le LIRIMA, l'UMMISCO a en plus vocation à dispenser des formations d'où son soutien à un réseau de Master en "Systèmes Complexes" et à un Programme Doctoral International. Aboutissement d'une même "démarche réseau", ce Laboratoire International de Recherche et cette Unité Mixte Internationale sont donc pleinement complémentaires. "Il n'y a pas de concurrence entre ces deux structures. Côté français, une réflexion est même engagée pour faire émerger une synergie entre ces deux réseaux", précise Maurice Tchuente.

Santé et environnement : le rôle de l'informatique et des mathématiques appliquées

Aujourd'hui directeur de recherche à l'IRD au sein d'une équipe de l'UMMISCO et directeur du LIRIMA, le professeur Maurice Tchuente s'intéresse donc plus particulièrement à la modélisation épidémiologique. "Il m'a semblé que le domaine de la santé était celui où il y avait le plus grand besoin d'outils mathématiques et informatiques", explique-t-il. Ainsi son équipe travaille actuellement avec les chercheurs du Centre de Yaoundé de l'Institut Pasteur, en particulier avec le docteur Pascal Boisier qui dirige l'Unité d'Epidémiologie et de Santé Publique. "Nous sommes en train de développer une plate-forme informatique de suivi épidémiologique de la rage", indique-t-il. De même, avec l'Université de Saint-Louis du Sénégal, avec laquelle l'équipe de Maurice Tchuente réalise des échanges d'étudiants et d'enseignants, un travail est en cours concernant la transmission de l'hépatite B. "Nous essayons de voir quel est l'impact de la vaccination sur l'évolution de cette maladie en Afrique". L'informatique et les mathématiques appliquées ont donc un rôle considérable à jouer, tant en matière de santé que d'environnement.

-D'où l'importance du LIRIMA et de l'UMMISCO dont Maurice Tchuente attend beaucoup. Ils vont en effet contribuer à promouvoir la formation et la recherche scientifique de haut niveau en informatique et mathématiques appliquées, en relation avec des problématiques du développement économique et social, qui plus est dans le cadre de partenariats publics et privés, et offrir localement des cadres de travail attractifs et propices à la formation des nouvelles générations d'enseignants et de chercheurs dans ces disciplines. "Le LIRIMA et l'UMMISCO permettront aussi de structurer et de fédérer les relations scientifiques de manière à assurer, grâce à un meilleur ancrage institutionnel une plus grande pérennité et l'appropriation par les universités africaines hôtes", s'enthousiasme-t-il. Dans ce contexte, la recherche scientifique ne pourrait-elle pas à terme constituer une sorte de catalyseur pour regrouper des pays africains dans un même élan ?