Les archéologues maliens ont entrepris depuis le mois de décembre dernier un de leurs exercices favoris. C est la fouille proprement dite de 8 sites ou dépôts archéologiques dans la zone de Djenné.


En effet, il s agit d une fouille de sauvetage qu ils entreprennent dans le Delta intérieur du Niger. Une vaste zone d inondation de 30.000 km2 qui a vu naître et se développer plusieurs civilisations dont la plus brillante est la cité urbaine de Djenné-Djeno ou ancienne Djenné fondée au 3ème siècle avant Jésus-Christ. Ces différents travaux établissent l existence d une urbanisation ancienne remontant à la première moitié du premier millénaire de notre ère. Cette urbanisation ancienne, est attestée par le site de Djenné Djeno (la vieille Djenné située à trois kilomètres de la ville actuelle de Djenné). En effet, des centaines de sites archéologiques notamment les vestiges d anciens villages ou villes localement appelés togués apparaissent sous formes de buttes dans la plaine inondable drainée par le Niger et son principal affluent le Bani.


Ces buttes anthropiques ont été privilégiées par l homme pour son habitat. Plusieurs inventaires menés depuis la période coloniale témoignent de l intense occupation de la région. Ainsi, le couple McIntosh, Susan et RJ McIntosh ont dénombré en 1977 et 1981, dans les environs de Djenné, un total de 282 sites dans un espace de 5574 Km2. Le projet exécuté par l Institut des Sciences humaines entre 1986 et 1996, a permis d identifier 834 sites entre Djenné, Kouakourou, Mopti et Sofara. Seize (16) sites archéologiques de ce riche patrimoine seront affectés par les ouvrages hydro agricoles à aménager dans le bassin du Bani, selon l étude d impact sur le patrimoine culturel commanditée par le groupement BCEOM  COYNE et BELIER- BETICO et réalisée par un expert archéologue. La Mission culturelle de Djenné, chargée de la protection et de la promotion du patrimoine culturel dans le cercle de Djenné, envisage de sauver les plus importants. L atteinte de cet objectif passe nécessairement par des fouilles de sauvetage des sites devant recevoir plus d eau et des aménagements sur des sites où la submersion sera contrôlée.


L histoire des recherches sur cet important patrimoine archéologique remonte aux premières heures de la colonisation.


Dès 1907, le Lieutenant Louis Desplagnes mentionne l existence de nombreux sites d anciens villages présentant à la surface des restes de jarres funéraires. Les reconnaissances suivies de fouilles vont s intensifier dans le cercle à partir de 1950 avec la création du centre IFAN (Institut Français d Afrique Noire) de Bamako. Ainsi, Georges Szumowski alors Directeur dudit centre et archéologue de profession, effectue des fouilles sur plusieurs buttes de la région.


En 1975, ce sont les fouilles du toguéré Galia par Roger Bedaux, Huzinga et JD. Van der Waals (tous de l Institut d Anthropologie d Utrecht au Pays Bas). A partir de 1977, SK McIntosh et RJ McIntosh initient une série de campagnes archéologiques autour de Djenné (1977,1981, 1987, 1994, 1996 et 1999). Les sites devant faire l objet de fouilles de sauvetage se singularisent par la richesse de leur mobilier archéologique notamment des jarres funéraires, des figurines en terre cuite comprenant les statuettes anthropomorphes (de personnages) ou zoomorphes (d animaux), des particularités de la culture matérielle de cette région. Leur destruction par les travaux d aménagement des casiers en maîtrise totale constituera un danger pour le patrimoine culturel national et l identité culturelle de la région.


Ce péril sur le patrimoine archéologique de la région par les travaux d aménagement des casiers en maîtrise totale de l eau et l application de la loi 85-40/AN-RM du 26 juillet 1985 relative à la protection du patrimoine culturel en cas de travaux d aménagement, justifie la réalisation des fouilles de sauvetage et d aménagement des sites archéologiques.


Approfondir la connaissance.


Les objectifs poursuivis par cette fouille sont entre autres : identifier et sauver les sites menacés par la destruction en procédant à des fouilles ; approfondir la connaissance historique de la région ; constituer une collection pour le musée de Djenné pour les objets trouvés ; conserver et valoriser les objets issus des fouilles ; atténuer les phénomènes de l érosion hydrique et éoliennes des sites, par la mise en place de dispositifs anti-érosifs appropriés ; préserver les vestiges des sites archéologiques et assurer leur répertoire et le Géo référencement ; informer et sensibiliser les populations sur la protection des sites.


Quant aux méthodologies, il s agit de la mise en place des huit équipes de fouilles ; la réalisation de campagnes de prospections et de fouilles ; accomplissement de la typologie des objets issus des fouilles ; publication et diffusion des résultats des fouilles ; réalisation des mesures anti-érosives (plantation d arbres et exécution de cordons pierreux filtrants) ; réalisation de travaux de géo référencement et de mise en place de panneaux signalétiques. La connaissance de l histoire de la région et des vestiges, du patrimoine archéologique et culturel du cercle est approfondie est sans doute le principal résultat attendus. Les objets issus des fouilles sont sauvés de la destruction, préservés, inventoriés, conservés et valorisés ; les sites sont géo référencés, signalisés et protégés contre l érosion ; les populations sont informées et sensibilisées de l existence et pour la protection des sites.


Ce travail consiste à faire des sondages sur les sites archéologiques, explique Yamadou Fané, chef de la Mission culturelle de Djenné. Les huit sites situés dans les casiers devant être aménagés. Ces fouilles permettront de sauver ces sites de la submersion totale, d approfondir la connaissance de l histoire locale et de constituer une collection pour le musée de Djenné. Cette activité permettra de protéger les sites archéologiques au nombre de quatre (4) situés dans les zones de submersion contrôlée et protégés par des digues routes. Il s agira d aménager lesdits sites en s appuyant sur les techniques de défense et de conservation des sols à savoir : La plantation d arbres (les haies vives) ; la mise en place d un dispositif anti érosif comme les termitières sur les courbes de niveau pour freiner l érosion hydrique. L espèce retenue est l eucalyptus, à cause de sa résistante, à son acceptation par l écosystème des terroirs de la zone et de sa facilité d entretien.


La plantation des arbres autour des sites se déroulera en août, période propice à la mise en Suvre de cette activité. La Mission culturelle se fera appuyer par le service de la conservation de la nature et les associations culturelles. La mise en Suvre de cette activité consiste à faire 1200 trous sur chaque site, destinés à recevoir les plants d eucalyptus. Ces trous seront réalisés en deux rangées sur les circonférences des sites archéologiques à aménager. La main d Suvre recrutée au sein de la population exécutera la plantation des arbres.


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Un article de Youssouf Doumbia (LEssor)