Fête du Vaudou au Bénin : Heureux retour aux sources ou grand sacrilège ?

Le pays a célébré le 10 janvier dernier la 16e édition de la fête nationale du Vaudou, dont les manifestations officielles se sont déroulées entre les villes de Lokossa et de Ouidah. Instituée en 1993 par l'ancien chef d'Etat béninois, Nicéphore Soglo (1991-1996), et chômée depuis 1998, la célébration de ce culte ancestral est de plus en plus populaire.

Les partisans se rassemblent dans la ville d Ouidah afin d'être bénis par le chef vaudou de la ville, qui sacrifie une chèvre comme offrande aux esprits ce jour-là, marquant le début des célébrations. La foule de touristes regarde les dévots de peaux d'animaux, chante et en danse au son des tambours et partage un verre ou deux de Gin avec les habitants.

Il y a aussi, bien sûr, les poupées vaudou dans des tentes ornées de drapeaux qui représentent les diverses sectes, mais aussi les prières, les libations, les danses des adeptes, la course de chevaux sur la plage et bien d autres témoignages intrigants de ce monde occulte en plein essor.

En faisant un tour d horizons sur divers blogs, on voit clairement que les avis sont divergents au sujet de cette fête.

Certains crient au pillage de l économie nationale, avec un énième jour férié payé en raison de célébrations religieuses. Leur argument phare est qu il faut bosser et faire tourner l économie. Notons que cette année le gouvernement a mis à la disposition des dignitaires des religions traditionnelles, toutes tendances confondues, une enveloppe financière de 100 millions de Franc CFA (plus de 194.000 USD).

Pour les partisans de la célébration, il s agit là d une manière de réhabiliter le culte Vaudou et de valoriser la culture endogène. Une stratégie qui permet au Bénin d avoir plus de visibilité hors du pays et du contient africain.

Pour d autres, elle est le symbole de la victoire du vaudou sur le régime marxiste qui l a réprimé une décennie durant. Un article de Delphine Bousquet (Libération) mentionne le témoignage de Dominique Hazoumé, guide touristique qui s est spécialisé dans le vaudou, qui était enfant à l époque de la chasse au vaudou : « Au temps de la révolution marxiste, je savais qu il y avait une divinité Ogu, le dieu du fer, chez mon grand-père maternel, mais ça s arrêtait là. Avec la fête, je me suis intéressé à ce que cela signifiait pour ma famille de forgerons, et plus largement au vodoun.»

Et enfin, on peut aussi lire qu il s agit là de « l échec du Christ ». « Comment font-ils pour fêter le Vodou or la majorité du discours populaire considère cette pratique comme la base arrière des forces irrationnelles qui tuent leurs enfants et responsables de leurs malheurs ? Comment font-ils pour fêter le Vodou or le dimanche, les églises et cercles religieux ne désemplissent pas, les pasteurs sont riches et les vendredis, Zogo est noir de monde ? Comment font-ils pour fêter le Vodou, or seul le Pape il y a peine 2 mois, a réussi à leur faire nettoyer sans fausse note toute la ville de Cotonou ? Quel est l esprit égaré qui a bien pu placer la fête du Vodou à seulement 10 jours de la Saint Sylvestre, 15 jours de la naissance du Christ ? », note Christophe sur miwablo.com.

Somme toute, force est de constater qu au Bénin, le Vaudou est une affaire sérieuse, une religion de fait approuvée par le gouvernement. Au dernier recensement officiel (qui date de 2002), le Bénin comptait 17% d adeptes du vaudou, 27% de catholiques et un peu plus de 24% de musulmans. Mais la réalité est plus complexe, et le culte du vaudou bien plus large car beaucoup pratiquent le vaudou en plus d une autre religion. Ainsi, certains chiffres rapportent que plus de 60% de la population est dévouée au Vaudou.

Analyste sur Nextafrique.com.

Titulaire d'un master en sciences appliquées et d'un MBA, Séverine est consultante et exerce entre Paris, Abidjan et Dakar. Elle est passionnée par la culture et les innovations locales africaines.