L'Afrique devient de plus en plus une destination cible pour les investisseurs ainsi que pour les sociétés multinationales en quête d'opportunités de croissance. Toutefois, un rapport que vient de publier Global Financial Integrity, fustige les multinationales à propos des transferts d'argent illégaux en provenance d'Afrique.

Intitulé Flux financiers illicites en provenance d'Afrique: les défis d'échelle et de développement (Illicit Financial Flows from Africa: Scale and Developmental Challenges), le rapport insiste sur le rôle des sociétés multinationales que certains considèrent comme le plus grand sabotage économique en Afrique car « cela perpétue la dépendance économique de l Afrique aux autre régions » du monde.

L étude estime que les transferts d argents illicites vers les pays développés de la majeure partie des 1500 milliards de dollars que se font les multinationales en Afrique chaque année, drainent négativement les réserves en devises en provenance du continent en stimulant l'inflation, en réduisant le montant perçu par les impôts locaux et en approfondissant les écarts de revenus. Le rapport ajoute que l'épuisement des investissements et l'étouffement de la concurrence provoqués par ces transferts illicites sapent le commerce et aggravent le tissu socio-économique des communautés pauvres en Afrique, conduisant à une espérance de vie plus courte en raison des dépenses limitées dans les services sociaux tels que soins de santé.

Le rapport indique que depuis les années 1960, alors que les multinationales entraient en Afrique, « l'investissement direct étranger des multinationales auraient pu atteindre les 1500 milliards de dollars US par an, même si la plupart de ces investissements est à destination du monde développé ».

« En outre pour les entreprises locales, les principaux auteurs des manipulations des prix sur le commerce sont les multinationales » en raison de leur « présence mondiale forte et de leur influence, ce qui facilite le transfert illicite de fonds », ajoute le rapport, se référant à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) qui estime que les sociétés contrôlent environ 60% du commerce mondial. D'autres estiment que l'Afrique a perdu environ 854 milliards de dollars dans les flux financiers illicites sur une période de 39 ans (1970-2008), correspondant à une moyenne annuelle d'environ 22 milliards de dollars. Ce qui représente un montant considérable par rapport au cumul de la dette extérieure du continent et à l'aide au développement reçue au cours de la même période.

De grandes variations entre les régions, les pays et même entre les secteurs d'activités sont enregistrées. « Deux tiers des sorties ont été attribués à seulement deux régions », à savoir Afrique de l'Ouest et Afrique du Nord, avec respectivement 38% et 28%.

« Chacune des trois autres régions (Afrique australe, Afrique orientale et centrale) ont enregistré environ 10% du total des flux financiers illicites de l'Afrique », même si ces estimations ont été faussées par un manque de données et par la mauvaise qualité de celles disponibles.

L étude identifie que la mauvaise évaluation des échanges commerciaux est le moyen le plus populaire pour effectuer transfert illicite de capitaux : « La variation des montants pour ce type de flux financiers illicites est directement liée à la variation des volumes des échanges commerciaux au cours de la période », note le rapport.

D'autres formes d activités commerciales illicites comprennent l'évitement fiscal et l'évasion fiscale. Ces activités consistent essentiellement à transférer des fonds au-delà de la portée et de l'utilisation appropriée par les autorités nationales.

Comme indiqué par la Commission économique pour l'Afrique, le rapport est très rafraîchissant dans le sens où il ajoute une nouvelle dimension au dilemme du sous-développement économique de l'Afrique. En plus d identifier les sources, les défis et les réponses politiques actuelles aux flux financiers illicites en provenance d'Afrique, le rapport, plus constructivement, propose une série d'options politiques pour lutter efficacement contre ce problème aux niveaux national, régional et mondial.

Il s'agit notamment de :

  • la création de mécanismes visant à décourager la manipulation des prix commerciaux,
  • le développement et la mise en Suvre de programmes efficaces de rapatriement de capitaux,
  • le renforcement des cadres réglementaires et du régime de recouvrement des avoirs volés,
  • le développement d'un plaidoyer efficace régional et de stratégies de sensibilisation,
  • la nécessité de soutenir et d élargir les initiatives spécifiques et les conventions contre les flux financiers illicites.

Le rapport semble valider certaines des préoccupations soulevées par les gouvernements africains : accroître la transparence autour des multinationales, de leurs ressources et de leurs revenus.

A mon avis, l Afrique doit notamment renforcer sa législation en matière des flux commerciaux internationaux et d autres part, comme le font un grand nombre de pays développé, obliger les entreprises à documenter leurs transactions. Nécessairement, tout cela passe préalablement par une formation accrue des administrations fiscales et douanières. Il n est pas trop tard pour les pays africains de mettre fin a cette nouvelle stratégie, car certains pays à l instar de la France ont mis a peut prés une quinzaine d année pour maitriser au mieux ce type de mécanisme.

Encore faut il un réel investissement des gouvernements car il faut noter que cette pratique représente aujourd hui prés de 60 pourcent de la fraude fiscale.

Bernard Milot
Analyste sur nextafrique.com.

Juriste en cabinet de conseil, Bernard travaille sur les questions de fiscalité internationale. Ses centres d'intérêts sont le droit, l'économie, et les sciences humaines.