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L'Afrique pourrait bien être à l'aube d'une révolution - une révolution verte. D'après certains spécialistes de l'agriculture, la volonté politique de mener des réformes structurelles pourrait tomber à pic pour faciliter l'arrivée des techniques agricoles de pointe.

Les besoins sont assurément immenses: dans la région sub-saharienne, la plus pauvre du continent, 265 millions de personnes soit 32% de la population, souffrent de la faim chaque jour. La révolution pourrait même avoir déjà commencé, clament les optimistes, mettant en avant ce que certains appellent le « miracle Malawi », un cas d'école sur la manière dont la subvention aux engrais et semences hybrides a transformé un pays nourri à l'aide humanitaire en exportateur de nourriture qui approvisionne ses voisins. Pourtant, les esprits critiques doutent du caractère durable du miracle dans le petit Malawi, et dans la vaste Afrique plus encore. Ils rappellent les obstacles que représentent l'instabilité politique (dont le Zimbabwe est l'exemple type), les ressources limitées en eau et la faiblesse des infrastructures.

Dans les années 1960, l Afrique et l Asie produisaient chacune environ une tonne de nourriture par hectare cultivé. L Afrique est restée à ce niveau, mais l Asie est maintenant passée à environ quatre tonnes par hectare.

Ce sont les gains de productivité faramineux aujourd hui désignés par le terme de « révolution verte » qui ont changé la donne pour les champs et les rizières asiatiques. La révolution a été caractérisé par l introduction de techniques agricoles utilisant des technologies avancées  plus de mécanisation, plus d engrais et de semences hybrides, en particulier en Inde et aux Philippines.

Aujourd hui, certains pensent que malgré ses ressources limitées en eau et la faiblesse de ses infrastructures, l Afrique pourrait connaître un destin similaire. « Une révolution verte est possible d ici cinq à dix ans, n en doutez pas, » affirme Namanga Ngongi, président de l Alliance pour une révolution verte en Afrique.

Robert Sagna, ministre de l agriculture du Sénégal de 1993 à 2000, croit aussi en l avènement de la révolution verte africaine. « Si la volonté politique est là pour lancer des réformes structurelles majeures et allouer les ressources nécessaires, dit-il, cela peut se réaliser. »

Si l on en croit le soutien que reçoit le mouvement de Namanga Ngongi , la volonté politique est bien là, au niveau international du moins. L Alliance pour une révolution verte en Afrique est dirigée par l ancien secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan, et soutenue par la fondation de Bill et Melinda Gates et la fondation Rockefeller, cette dernière étant un soutien majeur de nombre d institutions et de programmes ayant contribué à la révolution verte asiatique.

Le besoin de produire davantage de nourriture ne fait pas de doute. Chaque jour, dans la région sub-saharienne, la partie la plus pauvre du continent, 265 millions de personnes  soit 32% de la population  ne mangent pas à leur faim d après les chiffres de l Organisation Mondiale de l Agriculture pour 2009. Bien que le nombre de personnes souffrant de malnutrition ait globalement baissé dans les pays en développement  passant de 32% en 1970 à 17% en 2007, les statistiques de l organisation montrent que la malnutrition est restée à un niveau désespérément élevé en Afrique. Dans l ensemble, la banque mondiale estime qu en 2005, 51 % de la population d Afrique sub-saharienne vivait avec moins de 1,25$ par jour, soit 2% de moins qu en 1980, avec un niveau de consommation moyen plus bas que n importe quelle autre région du monde  seulement 0,73$ en 2005.

Malgré une pénurie d eau généralisée, certains experts assurent que les cultures pourraient prospérer en certains endroits de cet immense continent (une terre si vaste que la Chine, l Europe et les Etats-Unis pourraient aisément y tenir). Dans les années 1980 par exemple, avant la descente aux enfers du Zimbabwe et grâce à des fermes bien gérées et une recherche organisée au niveau national, le pays s était brièvement retrouvé en pointe pour la culture du maïs, avec les rendements les plus élevées au monde, supérieurs même à ceux des Américains.

Mais comme le suggère l exemple du Zimbabwe, la stabilité politique et l avancement des infrastructures ne sont jamais des données certaines en Afrique. Certains avancent que les agriculteurs doivent composer avec de faibles ressources en énergie et un réseau de transports défaillant peuvent difficilement adopter les techniques agricoles de pointe associées au concept de révolution verte.

Les obstacles sont de taille

Les sceptiques de l agriculture high-tech pour l Afrique expliquent que seules les économies plus avancées possèdent les moyens financiers, la technologie et l expertise nécessaire pour gérer des systèmes électriques complexes et les réseaux de distribution des semis. Ils le soulignent : c est un problème de taille pour l Afrique, quand on sait que moins de 24% de la population d Afrique sub-saharienne a accès à l électricité, selon les chiffres de la Banque mondiale. Dans certains pays, même les axes routiers majeurs sont impraticables durant certaines saisons.