iHub, espace d'innovation pour la levée de fonds à Nairobi au Kenya | Crédits Photo : Ventures-africa.com

Il y a depuis près d'une décennie un engouement sans précédent pour l investissement dans le secteur privé en Afrique. Cette tendance est notamment impulsée par les fonds d investissement, attirés par les retours sur investissements supérieurs à la moyenne mondiale. Ces derniers reçoivent chaque jour plusieurs dizaines de plan d'affaires (business plan) de la part d'entrepreneurs souhaitant lever des fonds. Pourtant, seuls quelques projets seront sélectionnés.

Cet article est la synthèse d'une conférence organisée par le cabinet d'avocats Clifford Chance et Private Equity Africa Magazine le 12 février 2013 à Londres. Ci-dessous, nous revenons sur les éléments-clés d'une candidature réussie.

Se placer du point de vue de l'investisseur

Pour commencer, il faut s'assurer que le plan d'affaires de l'entreprise est bien construit, et qu'il ferait sens pour un investisseur d'y mettre son argent. Les investisseurs se posent trois questions avant d'engager leur argent dans une entreprise :

  • Est-ce que cette entreprise est déjà rentable et a atteint une taille critique ?
  • L'entreprise a-t-elle une structure qui lui permettra de croître et d'augmenter ses profits ?
  • Sera-t-il possible de revendre l'entreprise à un prix avantageux après 5-10 ans ?

Si la réponse est oui à chacune de ces trois questions, alors il y a des chances que le projet soit examiné dans le détail par le fonds d'investissement. Quelles sont les implications de ces questions ?

Le premier élément pris en compte par l'investisseur est qu'il désire investir dans une entreprise qui a déjà prouvé qu'elle pouvait générer des profits réguliers et croissants. Il est aussi essentiel que l'entrepreneur qui souhaite lever des fonds soit prêt à réduire son contrôle sur l'entreprise pour la durée d'investissement par le fonds (5-10 ans). En effet, lors d'un tel investissement, le fonds rachète une part majoritaire des actions de l'entreprise, afin de subventionner et de guider son développement.

Par ailleurs, pour être une cible intéressante, l'entreprise doit évoluer dans un marché en croissance, et disposer d'une structure capable d'absorber le capital investi par la croissance et le transformer en flux nets de trésorerie. Pour cela, il faut que l'entreprise dispose d'une structure managériale qui ne repose pas uniquement sur la personne de l'entrepreneur (micro-gestion), et puisse être agrandie sans voir sa rentabilité diluée. L'entrepreneur a donc tout intérêt à mettre en place des processus de fonctionnement interne permettant d'assurer une gestion efficace et impersonnelle de son entreprise.

Il faut garder à l'esprit qu'il s'agit d'abord de convaincre l'investisseur de risquer une somme d'argent importante dans un projet. Les sommes engagées sont énormes, ce qui justifie l'extrême sélectivité des fonds d'investissements en Afrique, qui rechignent encore à investir dans des start-ups (venture capital).

Pour rendre un dossier de candidature convaincant, il est essentiel de modéliser la valeur de l'entreprise sur la base d'hypothèses claires. Ces calculs doivent se faire sur la base d'études approfondies des évolutions du marché et des attentes des consommateurs, ainsi que de la maturité des produits/services proposés. Ces évaluations seront d'autant plus convaincantes qu'elles utiliseront les modèles financiers fondamentaux tels que le Comparable Companies Analysis, le Precedent Transactions Analysis ainsi que les mesures-clés de rentabilité et de retour sur investissement (ROE, ROIC, EBITDA &). Finalement, il est recommandé de proposer une stratégie dite « de sortie » pour l'investisseur, en fonction de l'industrie dans laquelle l'entreprise évolue et des moyens de l'entrepreneur. Celle-ci peut être le rachat des actions cédées au fonds d'investissement par l'entrepreneur lui-même, la revente de celles-ci à un concurrent plus gros, ou encore une introduction en bourse. En lui donnant une idée de la manière de rentabiliser son investissement, on le rassure sur la quantité de risque qu'il va prendre en investissant dans une entreprise donnée.

Bien choisir le fonds d'investissement

Pour les projets les mieux ficelés, vient alors le moment de choisir le fonds qui investira dans l entreprise. Ici, les rôles s inversent, et plusieurs critères sont à prendre en compte pour faire un choix.

L'entrepreneur doit évaluer l adéquation du fonds d'investissement avec son entreprise. En effet, les sommes investies diffèrent énormément d un fonds à l autre, tout comme leur degré d investissement dans la gestion de l'entreprise. Si l'entrepreneur compte garder un contrôle sur les opérations de son entreprise, il a tout intérêt à choisir un fonds d investissement qui ne lui imposera pas trop de contraintes. D autre part, certains fonds sont spécialisés sur une industrie ou une région, et sont souvent dirigés par des investisseurs ayant de l expérience dans l industrie/la région concernée. Ces derniers font bénéficier aux entreprises du portefeuille de leur réseau personnel et de leurs compétences techniques. Il est donc plus judicieux pour un entrepreneur dans le domaine des télécommunications de vendre son entreprise à un fonds d investissement spécialisé dans ce secteur. Toutefois, il faut aussi s assurer que le fonds d investissement ne possède pas déjà une entreprise compétitrice.

Finalement, la compatibilité des personnalités et des cultures peut déterminer la réussite ou l échec d un investissement. En effet, dans une situation d investissement par un fonds, la société sera cogérée par le fonds et l entrepreneur. Il faut donc accorder la plus grande attention au facteur humain.

Due diligence et autres joyeusetés (ce qu il ne faut pas faire)

Une fois le fonds d investissement choisi, ce dernier va procéder à une due diligence, qui consiste à évaluer tous les aspects de l entreprise (fonctionnement, finances, marché, produits, facteurs de risque &) afin de contrôler les informations soumises dans le dossier de candidature.

Depuis quelques années, les processus de due diligence sont de plus en plus poussés, et de ce fait augmentent la durée nécessaire entre l examen du dossier de l entreprise et l investissement effectif. Cela est dû à plusieurs scandales, notamment au Maroc en 2007, où un fonds d investissement a dû rembourser la dette d une compagnie d assurances qu il avait achetée. En effet, la société avait masqué cette dette (de plusieurs millions de dollars), et celle-ci n avait pas été détectée lors de la due diligence &

Il est donc conseillé par les investisseurs d être aussi transparent que possible, car au final, un entrepreneur qui tricherait risquerait de ne plus jamais voir son dossier examiné pour investissement &

Par Babacar-Pierre SECK, initalement publié sur le site partenaire TerangaWeb