Index de l'article

Le client a toujours raison, mais lequel ?

Pour les professionnels du marketing, les revues en ligne génèrent une série de nouveaux défis et opportunités.

Dans le cas de l industrie hôtelière, le côté positif est que les hôteliers ont beaucoup plus de retours qu auparavant, et certains s en servent pour améliorer leur qualité de service. Par exemple, Ulrike Gretzel explique que beaucoup de gérants d hôtels sont rémunérés en partie sur la base de la note obtenue sur TripAdvisor.

Les revues en ligne permettent aussi d identifier plus facilement les leaders d opinion, selon le professeur Dellarocas. Certaines agences de marketing en ligne apprennent ainsi à rechercher et identifier les gens qui ont une influence forte sur leurs amis ou sur une communauté web. Une fois que ces « influents » sont trouvés, les agences tentent de peser sur leurs opinions en les invitant à des évènements spéciaux, en leur envoyant des cadeaux ou en leur suggérant d essayer de nouveaux produits.

Pour les chercheurs spécialisés sur les aspects quantitatifs des marchés, les revues en ligne sont cependant un vrai défi. Le plus grand d entre eux est que la majeure partie de l information relève du « bruit de fond ». Contrairement aux exemples précédents d information collaborative, comme les guides de restaurant Zagat, qui reposent sur les évaluations chiffrées de milliers de participants, la raison pour laquelle les commentaires en ligne semblent être appréciés des consommateurs et peuvent être dangereux pour le commerce est la même : ils sont de nature anecdotique.

La distribution des revues semble aussi révéler une polarisation vers les extrêmes. Les commentateurs tendant à s exprimer seulement lorsqu ils ont particulièrement apprécié ou particulièrement détesté leur expérience, les gens qui ont simplement trouvé la chambre d hôtel satisfaisante ou le livre plutôt intéressant tendent à être sous-représentés. « Si vous trouvez que le film mérite un 3 [sur 5, ndlr], vous n avez pas vraiment d incitation à [le] noter », explique ainsi Michael Zhang, professeur assistant à l Université de Science et de Technologie de Hong Kong. « Vous ne notez un filme que lorsque vous l adorez ou le détestez ».

Bien sûr, les spécialistes du marketing savent faire les ajustements correspondant à ce type de biais. Dellaroca et Zhang et Neveen Awad de l Université de Wayne State dans l Indiana ont même conçu un modèle qui peut prédire le nombre de billets de cinéma vendus pour un film en se basant sur les commentaires du site Yahoo ! Movie. En regardant ce qu ils appellent « les trois V  »  le Volume de commentaires, la Valence ou score donné par les commentateurs, et la Variance ou écart type entre les revues positives et négatives  et en combinant cette information avec les variables traditionnelles de l industrie du cinéma telles que le budget marketing, ils arrivent à prédire le nombre d entrées avec 91,5 % de fiabilité pour n importe quelle semaine suivant le weekend de l avant-première. « Nous pouvons en fait dessiner la trajectoire des ventes et prédire quelle semaine le film sera retiré des salles », assure Zhang.

Faire face à Facebook

Mais ce genre de modèles pourrait avoir une durée de vie limitée. A mesure que le web devient de plus en plus « social », le temps que nous passons à communiquer avec des étrangers se réduit. De plus en plus, le bouche-à-oreilles redevient ce qu il était  un échange avec nos amis.

C est un problème pour les analystes car les gens tendent à copier les opinions de leurs amis. Si l un d entre eux met cinq étoiles, les autres ont tendance à suivre. « Les individus sont largement influencés par leurs amis », assure Zhang.

Les analystes quantitatifs font ici face à un problème apparemment insurmontable, qui ne peut être corrigé ou circonscrit par la statistique : il est impossible, selon Zhang, de mesurer le degré auquel interviennent les biais sociaux. Nous sommes les seuls à savoir à quel point notre opinion réelle diffère de celle de notre ami  et peut-être n avons-nous même pas les idées très claires sur la question.

(Ce contenu est issu de ParisTech Review (http://www.paristechreview.com) où il a été publié à l origine sous le titre "Comment votre avis (et celui de millions d internautes) peut ébranler une industrie" sous la licence Creative Commons 3.0. Vous êtes libre de reproduire, distribuer et communiquer ce contenu.)