Hausse du dollar, baisse du pétrole : 13 effets collateraux en Afrique, sans stratégie en 2015

La croissance économique annuelle moyenne de l’Afrique, de l’ordre de 5,3 % entre 2004 et 2014, ne peut que faire rêver l’Union européenne avec moins de 1 % sur la même période. Mais la croissance économique africaine n’est pas inclusive et ne s’accompagne pas de création d’entreprises et d’emplois décents. Tout ceci génère de graves inégalités que les Gouvernants africains semblent considérer comme priorité seconde alors que la population va doubler d’ici 2050 pour atteindre les 2 milliards d’Africains dans le monde.

Avec la priorité donnée à la paix et à la sécurité du fait du terrorisme et des conflits armés, mais aussi les déstabilisations issues de décisions erronées d’intervention militaires en Libye avec comme conséquences les velléités de création d’Etat/sultanat islamique en Afrique, ce sont de nombreux pays fragiles en Afrique sahélienne, de l’ouest comme du centre, qui sont en train voir leur budget fondre, avec l’émiettement de leur marge de manœuvre économique. Comme un malheur ne vient pas seul, voici l’épidémie Marburg dit Ebola fabriquée en laboratoire en dehors de l’Afrique qui va venir contrecarrer la croissance de 5,8 % attendue pour 2015 en Afrique subsaharienne. Si pour certains pays comme le Libéria, la Sierra Leone, il faut s’attendre à une récession économique, en revanche, d’autres pays, comme le Cameroun, semblent résilients.

Avec la baisse des prix des produits pétroliers et alors que l’essentiel des matières premières africaines sont échangées à Chicago en dollar américain (USD), les pays pétroliers africains dont le Cameroun, l’Angola, le Congo, le Gabon, la Guinée équatoriale, le Tchad, le Nigeria, le Ghana, la Côte d’Ivoire le Niger seront directement affectés par la chute des prix des produits pétroliers avec des coupures drastiques dans les budget sociaux avec comme conséquence une reprise de la pauvreté et des inégalités.

Les pays africains importateurs nets de pétrole resteront résilients avec un taux de croissance annuelle du produit intérieur brut (PIB) oscillant autour des 4,3 % de 2014. Globalement, cette croissance devrait stagner si les conséquences de la crise sanitaire Marburg alias Ebola perdurent et se conjuguent avec la hausse du Dollar américain et une baisse du prix du pétrole. Les estimations de cette croissance du PIB autour de 4,8 % en 2015 du FMI devront être revues à la baisse. La conséquence sera immédiate sur la croissance du PIB par habitant qui de 2,1 % en 2014 pourrait avoir du mal à atteindre les 2,7 % prévue en 2015 par le Fonds monétaire international. Rappelons tout de même que les pays de la zone franc pourraient voir leur PIB par habitant se contracter, passant de 3,1 % en 2014 à 2,6 % en 2015, bien en dessous de la moyenne de l’Afrique subsaharienne, devant passer pour les mêmes dates de 2,6 % à 3,3 %. Mais ces statistiques n’intègrent pas les changements intervenus au cours du 2e semestre de 2014 notamment la crise sanitaire Marburg/Ebola, la hausse du dollar américain et la baisse des prix du pétrole.

Avec le baril de pétrole qui est passé de près de 105 USD en août 2014, à environ 65 USD en décembre 2014, les révisions des budgets des Etats africains sont légions. Les Gouvernements africains coupent directement dans les incitations pour les investisseurs et les exonérations douanières et fiscales mises en place juste après la crise financière de 2007/2008 pour soutenir l’émergence économique africaine.

En réalité, comme l’essentiel du surplus accumulé ne s’est pas investi dans les capacités productives, ni dans l’industrialisation mais dans des opérations de rentes, le pays africains, le Cameroun en particulier, ne bénéficient pas vraiment de retombées en termes de création de valeurs ajoutées et d’emplois.

Le taux de chômage et d’occupation des jeunes notamment reste très élevé. L’intégration régionale avec la libre circulation des biens, des personnes et des capitaux reste malgré tout encore une vaste illusion, surtout en Afrique centrale même si des progrès importants sont faits dans les régions d’Afrique de l’Est et de l’Ouest. Si les marchés régionaux existent sur papier, sans une monnaie commune, sans une libre circulation effective et sans une performance logistique, le déclic de l’industrialisation se fait attendre.

Il faut rappeler le manque à gagner lié au refus des pays africains de ne pas adopter la recommandation des économistes de l’Union africaine, d’évoluer vers un panier de monnaie (Euro, Dollar et Yuan/Renminbi) pour leur commerce international notamment de matières premières adossé à des systèmes de compensation au niveau des balances de paiement. Alors, est-ce que l’appréciation actuelle du dollar américain pour les économies africaines ne va-t-elle pas faire replonger certains pays africains dans l’instabilité ?

1. L’EURO et le FCFA en chute, le Dollar américain en hausse : coupe budgétaire à prévoir en Afrique

Le Franc de la communauté financière d’Afrique (FCFA) est lié à l’Euro par un taux fixe. La dépréciation de l’Euro affecte automatiquement le FCFA ainsi que les budgets des pays africains. Au 30 juin 2014, 1 USD valait 480,6956 FCFA. Au 16 décembre 2014, 1 USD valait 524,5861 FCFA, soit une appréciation de près de 10 % en 6 mois. Le baril de pétrole est passé de près de 105 USD en août 2014, à environ 65 USD en décembre 2014, soit une perte de valeur de près de 42 % en moins de 5 mois. Cumulé, le manque à gagner pour le budget de certaines économies africaines dépendantes des rentes de matières premières est de l’ordre de 50 %. Ce n’est plus de l’austérité qui s’annonce, mais bien une mortification économique dont les effets se feront sentir avec un décalage de 6 à 12 mois dans les faits pour les citoyens. De nombreux projets africains eux sont supprimés immédiatement notamment dans le social, la santé, la culture et même l’éducation, l’agriculture et l’industrie. Le problème est que ces coupes budgétaires n’ont pas été anticipées. Alors, oui l’appréciation du Dollar américain par rapport au FCFA fondé sur un régime de taux fixe, et la dépréciation des termes de l’échange engendrent des coupes drastiques dans les budgets des Etats et dans les importations de biens manufacturés et des technologies indispensables à l’émergence du continent.

2. Résilience de la croissance du Cameroun : mais stagnation et régression possible en 2015

Le taux de croissance économique (Produit intérieur brut PIB) annuel du Cameroun est passé de 3,7 % en 2004 à 5,1 % en 2014 selon le Fonds monétaire international. Ce taux n’est devenue négatif qu’en 2009, conséquence de la crise financière mondiale 2007/8 5. Avec les nouvelles affectations budgétaires pour la sécurité (Boko Haram) et la dépréciation des termes de l’échange des matières premières et du FCFA par rapport au dollar américain, la croissance économique du Cameroun devrait stagner, voir régresser dans les années à venir. Les estimations de 5,2 % en 2015 du FMI doivent être revues à la baisse.

3. Renforcement avec les pays émergents, dont la Chine

La Chine est devenue un partenaire principal du Cameroun et semble devenir un partenaire incontournable de tous les pays africains. Mais l’approche de la Chine est d’éviter autant que faire se peut de commercer en Dollar américain. Aussi, avec des techniques de trocs, de compensations et de refus d’ingérence dans les choix des gouvernements africains, ce que ne fait pas les puissances occidentales, la Chine trouve une oreille attentive auprès des Etats africains, notamment ceux considérés selon leurs intérêts par le monde occidental comme des autocrates et qui s’éternisent au pouvoir.

Il est fort probable que les pays africains choisiront d’accumuler leur réserve dans la monnaie du pays avec lequel ils vont le plus améliorer et intégrer leurs échanges commerciaux. Par ailleurs, comme la Chine ne donne pas de leçon de morale aux dirigeants africains sur le respect des droits humains et considère que le développement est prioritaire par rapport à la démocratie, les dirigeants chinois trouvent de nombreux soutiens et de compréhensions au niveau des dirigeants africains. Ceci est d’autant plus important que la Chine offre de plus en plus des solutions complètes (clé en mains) avec des prix compétitifs et surtout des solutions adaptées au marché africain avec des financements sans des taux usuriers. La relation entre la Chine et le Cameroun ne devrait pas être affectée outre mesure, au contraire. Cette situation risque d’être similaire pour la plupart des pays africains. Alors est-ce que le risque pourrait venir du côté de l’augmentation des prix de l’Africain lambda ?

4. L’inflation en 2015 : hausse au Cameroun ?

Le niveau des prix à la consommation dans un pays, à savoir l’inflation, doit être apprécié par rapport au niveau du produit intérieur brut par habitant. Le Cameroun est passé en 2004 de 0,9 % de croissance du PIB/hab. à 2,5 % en 2014, avec des prévisions à 2,6 % en 2015. L’inflation est passée pour la même période de 2,0 % en 2004 à 3,2 % en 2014 avec des prévisions à 2,6 % en 2015. Si cette inflation a été contenue, elle ne s’est pas améliorée notamment par rapport à la moyenne de la zone franc qui est estimée à 1,9 % en 2014. Les populations ont donc perdu en pouvoir d’achat en 10 ans. Le risque de l’augmentation existe mais demeure limité car le Cameroun s’est engagé à respecter les règles de convergence économique en vigueur au sein des pays ayant en usage le FCFA. Aussi, les conséquences sur les produits de premières nécessités restent marginales si les pouvoirs publics ne prennent pas des mesures radicales d’augmentation non concertées et expliquées.

Une déstabilisation des prix pourrait emporter le régime actuel compte tenu des velléités d’expression et de souveraineté populaire en Afrique subsaharienne, velléités qui demeurent contenues car justement les prix de l’alimentation restent pour l’essentiel subventionnés. Avec une balance commerciale prévue déficitaire de -1 % du PIB en 2015, la hausse des prix à la consommation au Cameroun devrait rester stationnaire autour de 3 % ou même légèrement baisser autour de 2,7 %. Il ne devrait pas y avoir de hausse significative des prix à la consommation sauf si Boko Haram vient à faire des incursions sur le territoire camerounais au point de bloquer les circuits d’approvisionnement. Par contre, l’inflation pourrait toucher sévèrement les régions frontalières du côté du Nigéria compte tenu de la zone instable où sévissent les groupes nihilistes-islamistes.

Au niveau de l’Afrique subsaharienne, l’inflation sera en hausse autour de 7 % selon le FMI, surtout pour les pays ayant un taux de change flottant qui pourront même atteindre 7,6 %. La zone franc avec une inflation estimée à 2,5 % témoigne d’une bonne maîtrise de cet indicateur macroéconomique.

5. Baisse du prix du pétrole et effet sur les économies africaines

Pour reprendre le cas du Cameroun, ce sont les recettes obtenues à partir du pétrole qui vont baisser, ce qui ne manquera pas d’avoir une influence sur les arbitrages à faire pour les projets qui devaient être issus des bénéfices tirés d’un prix de pétrole élevé. Le problème est que l’environnement des affaires pourrait alors devenir moins prévisible qu’en 2015, ce qui pourrait limiter le niveau d’investissement dans le pays.

Aussi, ce n’est pas tant le prix du pétrole qui forge la décision d’un potentiel investisseur de repousser à plus tard son investissement mais un ensemble de critères provenant de l’environnement institutionnel et légal des affaires sans compter la santé du Président du Cameroun et le flou important sur les formes possibles de transition de l’ère de l’après Président Biya.

Au niveau des économies de l’Afrique subsaharienne, il faut bien constater que les pays exportateurs de pétrole et de matières premières non transformées risquent d’avoir le même effet qu’au Cameroun. A savoir que les recettes tirées du pétrole et de la hausse du dollar américain contribueront à un manque à gagner dans les recettes. Tout dépendra alors des arbitrages, surtout que plusieurs pays sont en année électorale et comptaient sur cette « manne » pour « financer » les élections. La réalité est que le niveau de sous-emploi et de chômage ne devrait pas s’améliorer.

6. Les taux de chômage sont sous-estimés en Afrique

Le taux de chômage annoncé par les institutions internationales comme l’Organisation internationale du Travail pour l’Afrique est incomplet. Il ne prend pas en compte les taux d’activités réelles et alternatives ainsi que le travail dans le secteur informel, ni le niveau élevé des emplois précaires. Qui peut croire au Cameroun les chiffres du Bureau international du Travail traitant de la main d’œuvre camerounaise en estimant que seulement 4 % des Camerounais et 6 % Camerounaises sont sans emplois entre 2010-2013 ? Personne ! Donc il est conseillé de prendre avec beaucoup de précaution les chiffres sur l’emploi en Afrique en général, au Cameroun en particulier compte tenu des coupes sombres opérées par les plans d’ajustement des institutions de Bretton-Woods qui ont conduit à supprimer le travail de collecte sérieux des données sur le terrain et leur agrégation. Mais il faut reconnaître que le taux d’emplois précaires, la fameuse « flexibilité » est très élevé.

Bref, le travailleur camerounais ne bénéficie que de très peu de sécurité de l’emploi, et c’est un euphémisme. Les jeunes (15-24 ans) sont les plus touchés. La réalité du chômage des jeunes oscillerait entre 35 %-55 %. Un véritable gâchis en perspective et peut-être des laissés pour compte qui formeront si l’on n’y prend garde les futurs pôles de la violence pour avoir été exclus par les générations précédentes. Aucune perspective sérieuse pour la jeunesse malgré un fort taux de scolarisation et de réussite.

7. Augmentation du chômage et conséquences sur les populations

Les populations africaines, camerounaises en particulier, non organisées sous forme de syndicats, de groupes d’influence et de lobbies sont les premières à servir de variables d’ajustement avec l’augmentation prévisible du chômage en Afrique du fait de l’appréciation du dollar américain par rapport aux monnaies africaines et la baisse du prix du pétrole. Le non-accès aux soins de santé, à l’éducation, au logement, au transport et à l’emploi sont les principaux éléments créant des populations sans aucun moyen de subsistance et donc à la merci des groupes les plus forts et profitant de l’impunité juridique et institutionnelle ambiante dans de nombreux pays africains. Les souffrances des Africains pourraient augmenter compte tenu des externalités négatives créées par les groupes nihilistes-islamistes qui ne font qu’orienter en fait un budget africain vers la sécurité sans que les résultats ne soient véritablement au rendez-vous.

8. Révoltes et révolution du fait d’une flambée de prix à la consommation ?

Les risques de révoltes ou de révolution ne sont pas à exclure compte tenu de l’exemple de la Tunisie, de l’Egypte et du Burkina Faso. Mais il n’est pas réaliste de croire que les crises de pénuries alimentaires et d’augmentation des prix en 2008 se reproduisent en 2015. D’abord les gouvernements en place tiennent tellement à rester en poste en modifiant les Constitutions qu’ils veillent à ne pas commettre cette erreur.

Toutefois, les révoltes des populations pauvres en Afrique en 2008 sont largement liées à des mesures non concertées et non expliquées de la part du Gouvernement en place. Par ailleurs, un pays comme le Cameroun, comme beaucoup de pays africains, notamment les pays dépendant de la France au plan sécuritaire, sont très quadrillés par des services et milices qui sont très discrets mais très efficaces.

Certaines milices sont des appendices des services secrets et disposent de passe-droit dès lors qu’il s’agit de « rétablir l’ordre ». Pourtant une partie du Nord du Cameroun échappe au contrôle de l’autorité centrale et est devenue une sorte de base arrière du groupe nihiliste et terroriste Boko Haram... Sur un autre plan, les révoltes de 2008 se sont passées en plein crise financière internationale avec un assèchement du crédit et donc des capacités de fonctionnement de secteur privé camerounais qui commerce surtout à partir d’un système de découvert bancaire et de crédit. Avec l’assèchement de ses sources de financement, les produits et services qui en découlaient ont disparu du marché provisionnement, occasionnant une montée exponentielle des prix avec comme conséquences, les révoltes des citoyens. Il n’y a pas pour l’heure d’assèchement des sources de financement et la capacité d’endettement des pays africains est encore importante en 2015, suite à l’effacement de la dette intervenue il y a quelques années.

9. Que signifie un budget d’urgence au Cameroun ?

Lorsque le budget de l’Etat camerounais a été proposé sur la base d’un taux de conversion du dollar américain favorable au FCFA au début de l’année et lors des révisions des collectifs budgétaires en cours d’année, personne ne pensait sérieusement à une perte de la valeur du pétrole en fin d’année. Donc c’est pratiquement plus de 40 % des programmes inscrits au budget camerounais qui doivent être rayés ou reportés, voire annulés. C’est donc naturellement que le Président Paul Biya du Cameroun a opté pour un programme d’urgence qui cache en réalité un programme d’enrayement de la colère des militaires et des populations... notamment ceux par qui un coup d’Etat pourrait arriver et mettre en danger le sommet de l’Etat... Car c’est d’abord cela la priorité... la situation économique ne vient qu’en second lieu. L’endettement de ce pays pourrait trouver des solutions avec l’apport de la Chine 7.

Tout ajustement économique comme au demeurant tout programme d’ajustement des comptes publics est indispensable. C’est d’abord une obligation pour avoir des comptes exacts et c’est utile pour revoir les priorités. Mais le vrai problème est qu’il faut faire des arbitrages et ce ne sont pas les populations les plus pauvres, les plus vulnérables, ni ceux qui disposent de peu d’influences qui seront les mieux lotis... Donc l’inégalité continue aussi dans les programmes d’urgence au point de rappeler que le Cameroun aurait pu faire mieux grâce à la manne pétrolière qui demeure une gestion nombriliste par un pouvoir centralisé qui refuse toujours la vérité des comptes sur la partie des recettes de l’Etat portant sur les ressources pétrolières.

10. Comment faire profiter un plus grand nombre d’Africains des fruits de la croissance économique ?

La gestion au sommet du l’Etat camerounais demeure très peu transparente, tant pour les comptes publics que pour le soutien aux entreprises créatrices de valeur ajoutée et d’emplois. Aussi, c’est tout un large programme de transparence et de prévisibilité de l’environnement des affaires qui pourraient permettre d’avoir un impact significatif sur une économie qui tourne largement en dessous de ses capacités réelles. Mais la corruption et les liens claniques sont aussi des freins importants que fait perdurer une sorte de gestion subtile d’équilibre de l’impunité entre les régions. Il ne s’agit plus de changer une personne à la tête de l’Etat mais de changer un système où l’agilité et l’innovation au service des populations retrouveraient un droit de cité. Malheureusement, ce droit est parfois confondu avec l’assistanat et le clientélisme.

Pour qu’un plus grand nombre des populations africaines profite des fruits de la croissance économique actuelle, il faut repenser à partir de la morale et l’éthique personnelle des dirigeants et de l’ensemble du système qu’ils ont mis en place. Mais c’est aussi une histoire d’éducation, d’honnêteté et de retour aux valeurs ancestrales africaines, celles de la Maât héritée d’un certain Melchisedek, formateur d’Abraham.

11. Quel système de transition choisir pour le paiement des échanges commerciaux ?

Plutôt que de rentrer dans la théorie économique, il est possible de se focaliser sur les échanges entre l’Afrique et le monde extérieur. Donc, pour ne plus subir les dépréciations monétaires intempestives orchestrées de l’extérieur, il faut que les pays africains arrivent à limiter l’utilisation de système de paiement, d’épargne et de compte dont ils ne maîtrisent pas le fonctionnement, ni les errements.

Le système de troc est la première forme d’échanges entre les humains et consiste à échanger un bien/service contre un autre bien/service sans passer par un équivalent monétaire qu’est la monnaie, que ce soit aujourd’hui une devise de type dollar ou euro ou yuan, etc. Aujourd’hui il suffit de proposer d’acheter des tonnes d’ananas ou de bois du Cameroun et en contrepartie livrer un ouvrage d’infrastructure comme une route ou un pont pour que l’affaire (deal) soit possible. Ces opérations sont actuellement souvent effectuées sous le sceau du secret.

Bien sûr les économistes font les calculs dans les deux cas et une fois les montants négociés et acceptés des deux côtés, le deal peut s’exécuter sans transfert monétaire ou alors s’il y a désaccord sur les équivalences, seules la différence appelée compensation est payée par l’une des parties disposant d’une créance. Mais le système peut être plus sophistiqué et faire l’objet d’une écriture comptable et être utilisé dans le prochain deal, ainsi de suite. Les pays européens ont volontairement refusé cette approche en Afrique et ont préféré mettre l’accent sur les taux d’intérêts usuriers qui ont abouti, entre autres, aux plans d’ajustement structurels suite à des dettes accumulées et non acceptées par les pays africains, d’où d’ailleurs l’annulation des dettes, souvent iniques liées à des taux d’intérêts. Aujourd’hui les pays émergents et africains commercent de plus en plus sur la base de la compensation et les taux de croissance élevés sont là pour soutenir cette approche où les intermédiaires monétaires sont mis de côté, évitant au passage, les spéculations organisées et les crises et déstabilisations des régimes africains qui en découlent. Le troc devrait être mieux organisé avec des compensations pour soutenir la croissance économique africaine. Mais la réalité pour les pays francophones reste le FCFA tant que la France aura le droit le veto.

12. Le Franc CFA demeure une variable d’ajustement qui ne profite pas aux populations africaines

Les monnaies s’apprécient et se déprécient entre elles, en fonction de l’attractivité des investisseurs et la capacité à créer de la valeur ajoutée collectivement sur un territoire donné. Que le dollar s’apprécie ou pas, le FCFA est lié à l’Euro.

Autrement dit, le FCFA devrait s’appeler l’EURO CFA mais la France n’en a jamais voulu, ce qui impliquerait que tous les membres de la zone Euro devraient être au Conseil d’administration de la Zone Franc, ce qui limiterait le poids de la France. Alors, comment est-ce que les économies fragiles et en phase de pré-industrialisation peuvent accepter de faire du commerce avec une monnaie comme l’Euro qui surestime la valeur de leur dette et sous-estime la valeur de leurs exportations.

Dans le cas du Nigeria, la chute du Naira nigérian est liée à la mauvaise gestion et des écritures en faux de la banque centrale du Nigéria il y a une dizaine d’année. Par contre, la capacité à retrouver une gouvernance sérieuse permet au Nigeria de retrouver une attractabilité malgré tous les autres problèmes liés à l’environnement des affaires. La chute du FCFA s’est soldée par une dévaluation unilatérale du FMI et de la France avec une monnaie perdant 50 % de sa valeur. Aussi, les pays africains de la zone franc se sont mieux comportés que les pays ne disposant pas du FCFA. Au contraire, la politique des banques centrales régionales de la zone Franc ont mis l’accent sur le contrôle de l’inflation à tel point que cela a fini par empêcher tout soutien développement des pays africains concernés tout en profitant d’abord au Trésor français, où est logé le compte d’opération de la zone franc.

Le FCFA demeure une variable d’ajustement du Trésor français qui, de fait, reste le décideur en premier et dernier ressort sur le FCFA. Le politiquement correct fait que cette critique est souvent larvée, feutrée ou neutralisée. Mais, le fait est bien réel. Les pays de la zone tentent depuis de s’en affranchir, mais encore faut-il réussir une convergence monétaire qui reste pour le moment peu respectée au sein de la Zone Franc en au sein des zones régionales comme la CEDEAO en Afrique de l’Ouest ou le CEMAC ou CEEAC en Afrique centrale. Les pays les plus disciplinés monétairement sont aussi ceux qui avancent dans l’intégration régionale. Il faut regarder du côté de l’Afrique de l’Est. De toutes les façons, les régimes avec des taux de change flottant sont mieux adaptés à la globalisation que les régimes à taux de change fixe comme le FCFA ou même l’Euro. Aussi, sans une prise de conscience collective des dirigeants africains qui ne peuvent rester au niveau des salles de conférence, il est difficile de croire à l’émergence d’une monnaie commune africaine avant 2025. En attendant, quelle solution préconiser ?

13. Volatilité du dollar et des prix des matières premières : opter pour un panier de monnaies avec Euro, Dollar et Yuan/Renminbi

Il est mieux pour les régions africaines, voire pour le continent dans sa totalité, d’avoir sa monnaie commune. Une monnaie de transition pourrait être le panier de monnaie avec l’Euro, le Dollar américain et le Yuan/Renminbi chinois. L’avantage est d’atténuer les fluctuations surtout d’imposer que cette monnaie commune soit une monnaie de compte, une monnaie de paiement et une monnaie de réserve pour les économies africaines. C’est d’ailleurs l’objectif poursuivi par la Commission de l’Union africaine et l’ensemble des structures sous-régionales d’appui en matière monétaire. Mais l’indiscipline monétaire qui tend à se résorber, reste prépondérante.

De même la France ne peut demander systématiquement à l’Allemagne de payer une partie de ses dettes en laissant filer son déficit budgétaire en 2014-2015 alors que l’Allemagne a eu un budget en équilibre en 2014. Les réformes structurelles doivent se faire et chacun doit apprendre à ne pas vivre au-dessus de ses moyens ou en filigrane sur le dos des ex-colonies. Pour l’Afrique, c’est le même principe. Les grands pays riches ne peuvent payer systématiquement pour les pays pauvres sans en faire des « vassaux économiques... ». Donc pour éviter cela, certains pays africains choisissent de s’aligner sur la France ou le FMI plutôt que sur la locomotive économique dans la sous-région.

Le panier de monnaies demeure une stratégie de transition pour aller vers la monnaie commune en Afrique et permet de limiter les attaques spéculatives et de déstabilisation. Encore faut-il respecter la discipline monétaire au sein des zones monétaires. Ceci est valable tant dans la zone Euro que dans la zone FCFA. La situation économique actuelle est rentrée dans une complexité et des formes fluctuantes qui pourraient à terme déstabiliser l’économie mondiale si certains pays estiment que déstabiliser monétairement une partie du monde avec des sanctions peut leur profiter. En réalité, certains pays comme le Togo ont profité d’un embargo économique de l’Union européenne pour diversifier leur économie. La réalité est que de nombreux décideurs africains ne considèrent pas la diversification de l’économie comme une priorité stratégique, même s’ils en parlent abondamment.

Aussi toute stratégie africaine doit d’abord reposer sur la mécanisation du secteur agricole et la transformation sur place des matières premières africaines. On appelle cela le développement des capacités productives, concept plus large que l’industrialisation. YEA.

Directeur d'Afrocentricity Think Tank (afrocentricity.info, partenaire de Next-Afrique).

Dr Yves Ekoué Amaïzo, né à Lomé au Togo, est le Directeur d'Afrocentricity Think Tank. Ce groupe d’influence tente de modifier les décisions qui impactent négativement les Africains et les Afro-descendants. Il travaille en indépendant en tant que Consultant international, Chroniqueur sur la Radio Africa Numéro 1 et Chargé de cours occasionnellement.