L'agence de notation Standard & Poor's (S&P) a révisé à la baisse de « stable » à « négative » la perspective de la note souveraine à long terme du Bénin.

Après avoir abaissé la perspective du Gabon au mois de septembre dernier, les analystes de S&P expriment cette fois ci leur inquiétude quant au manque de « leadership politique et de consensus social » dans la mise en place de réformes essentielles à l amélioration du climat des affaires et au développement des filières économiques clés du Bénin.

Faible revenu par habitant

« Nos notes sur le Bénin sont bornées par le faible revenu par habitant (800 $ US en 2011) du Bénin, la base économique étroite, et la faible position extérieure nette », explique S&P dans un communiqué paru le 10 décembre dernier.

En effet, les analystes prévoient que la croissance du PIB réel par habitant du Bénin restera faible en 2012, à moins de 1%, même si l'activité devrait être soutenue par les bonnes performances de la production vivrière, la production de coton accrue liée au soutien exceptionnel du gouvernement, et la reprise du Port de Cotonou grâce à la forte croissance au Nigeria.

« A moyen terme, nous estimons que la croissance du PIB par habitant restera limitée à 1%. », indique S&P.

Pourquoi ? Parce que, selon Standard & Poor's, d une part les infrastructures de transport restent insuffisantes et handicapent toute l économie du pays, et d autre part les deux piliers de l'économie béninoise, à savoir la filière coton et le Port de Cotonou, sont confrontés à l'incertitude.

Manque de leadership et de réformes

Le gouvernement n'a pas toujours pas proposé de feuille de route claire pour ces deux secteurs majeurs après l annonce au printemps 2012 de la renationalisation temporaire d'une partie de la filière coton.

A la même période, le gouvernement béninois a même suspendu le programme de vérification des importations au port de Cotonou qui faisait pourtant partie d une réforme fiscale prévue de longue date visant à renforcer l'efficacité opérationnelle du Port de Cotonou et à accroître les recettes douanières.

En outre, S&P prévoit un niveau d inflation de 7% en 2012 après la baisse des subventions du carburant au Nigeria, précisant que si la production alimentaire est régulière, l'inflation devrait revenir à environ 3% dans les années à venir.

Malgré la réélection du président Boni Yayi au printemps 2011 et l'importante majorité dont il bénéficie au Parlement, le gouvernement n'a pas réalisé de progrès significatifs dans la mise en Suvre de réformes clés sur la fiscalité, le climat des affaires et la compétitivité économique.

L imprévisibilité du climat des affaires et du processus d'élaboration des politiques publiques s est même accrue, estime S&P.

Un déficit élevé

Les analystes de S&P sont formels en indiquant que « la structure des dépenses du Bénin ne semble pas soutenir la croissance ».

Le gouvernement consacre 45 % des recettes budgétaires à la masse salariale à savoir plus que ses pairs et plus que le critère de convergence de l'Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA), fixé à 35 %. Parallèlement, le gouvernement ne s'est jusqu à présent pas montré pleinement capable d'étendre la base fiscale. Ainsi, les arriérés de paiements rapportés par les fournisseurs du secteur privé constituent un autre indice de faiblesse de la gouvernance fiscale.

Le déficit courant du Bénin devrait rester élevé, à un niveau à peine inférieur à 10 % du PIB cette année, avant de diminuer légèrement. Bien que ce niveau pourrait être surestimé en raison de réexportations non comptabilisées vers le Nigeria, la hausse des engagements externes nets témoigne d un accroissement des déséquilibres externes.

« En l'absence d'une amélioration significative des infrastructures de transport, nous ne tablons pas sur une croissance forte des échanges commerciaux avec les pays voisins », prévient S&P.

Par ailleurs, le prix des importations de carburant, qui représentent plus de 30% des importations totales, a augmenté significativement après la baisse des subventions au Nigeria.

Enfin, en l'absence de cadre institutionnel clair pour le secteur du coton, les perspectives d'une hausse durable des exportations de coton restent incertaines.

Une incitation, pas une sanction

La modification de la perspective à négative doit être vue comme une incitation forte : S&P estime à au moins une chance sur trois la possibilité d abaisser la note souveraine du Bénin durant les 12 prochains mois. « Nous pourrions abaisser cette note si la position extérieure du Bénin continue de s'affaiblir ou en cas d'interruption du processus de réforme dans les secteurs-clés de l'économie et de la fiscalité », prévient S&P.

Pour le moment, toutefois, S&P maintient  les notes souveraines à long et à court terme du Bénin à « B/B » notamment grâce au fait que le niveau d endettement du pays reste contenu, avec une dette publique nette inférieure à 20% du PIB.

Autre point positif, l agence indique qu'elle pourrait stabiliser les notes du Bénin au niveau actuel si elle constate que des progrès notables sont accomplis dans la revitalisation des secteurs économiques clés (surtout le coton et les activités portuaires) en réponse aux problèmes de compétitivité et en appui à la croissance des exportations et au renforcement des comptes extérieurs et budgétaires.

Analyste sur Nextafrique.com.

L. Trame a travaillé au sein de plusieurs banques d'investissements de la place de Paris. Ses centres d'intérêts sont l'économie, la finance de marché et les nouvelles technologies.